Pourquoi tu voudrais manger des fleurs ?
Article inspiré de ma chronique à Moteur de recherche du 29 mai 2024 où je réponds à la question de France Gilbert : Quelles sont les vitamines et minéraux contenus dans les fleurs comestibles?
Je l’avoue tout de suite : je ne suis pas une grande consommatrice de fleurs comestibles. Pas très choquant à date comme affirmation. Je suis d’ailleurs pas mal sûre que toi non plus tu ne manges pas des fleurs au quotidien. En fait, à part Homer Simpsons, je ne connais pas grand monde qui en mange.
Mais il faut dire que le sujet à tout de même piqué ma curiosité. C’est-tu bin nutritif des fleurs comestibles ? Et au-delà de leurs valeurs nutritives, y a-t-il d’autres avantages à en consommer ? En gros, ça vaut tu la peine d’en faire pousser dans son jardin cet été ? Bon. On était en plein le temps des lilas et ça sentait bon le printemps partout autour de moi. Ça n’en prenait pas plus pour que je me plonge dans l’univers fascinant des fleurs comestibles.
On fait comment pour trouver la teneur en vitamines et minéraux des fleurs ?
Premier réflexe : aller consulter le Fichier Canadien sur les éléments nutritifs, qui est une grosse banque de données gérée par Santé Canada. En un clic, on peut facilement avoir accès aux valeurs nutritives d’une foule d’aliments. Mais bon… pour ce qui est des fleurs comestibles : nada. La seule fleur que j’ai été capable de trouver dans la base de données c’est le pissenlit, et même encore, j’ai eu accès seulement aux données concernant les feuilles et non la fleur en tant que tel. J’étais pas bin bin avancée.
Je me suis donc lancée dans les publications scientifiques sur le sujet. L’affaire, c’est que même si ça fait longtemps que les humains consomment des fleurs, ça ne fait pas si longtemps que ça qu’on étudie le sujet. D’ailleurs, la première étude que j’ai trouvée qui s’est intéressée aux nutriments contenus dans les fleurs comestibles date de 2007. Assez contemporain mettons.
Même s’il n’y a pas énormément de données sur le sujet, il y en a quand même quelques-unes qui me permettent de répondre à la question.
Et là, dans les quelques études que j’ai lu sur le sujet, je sens l’enthousiasme des chercheurs dans leurs propos : ils rapportent tous que les fleurs comestibles constituent des bonnes sources de minéraux et même que leurs concentrations sont comparables ou SUPÉRIEURES à celles évaluées dans des fruits et légumes que l’on consomme couramment.
Vraiment ? Ça veut tu dire qu’on devrait mettre de côté les légumes dans nos jardins et faire pousser des fleurs à la place ?
Les fleurs comestibles sont-elles les nouveaux légumes ?!
Manger un kilo de fleurs
Il fallait que je pousse la réflexion un peu plus loin. Armée de ma calculatrice, j’ai fait quelques petits calculs maison pour vérifier le tout (merci mathématiques du secondaire et produits croisés!). Je me suis basée sur les résultats d’une étude de 2021 qui a établi le contenu en plusieurs minéraux de six espèces de fleurs comestibles ornementales soit le bégonia tubéreux, la grande capucine, le soucis officinal, la rose, l’hémérocalle et l’œillet d’inde (qui sont toutes des fleurs comestibles qu’on peut cultiver au Québec en passant).
Ça ressemble à quoi la teneur minérale d’une fleur?
On va prendre le potassium en exemple, parce que c’est le minéral qu’on retrouve généralement le plus dans les fleurs comestibles.
1 kilo de fruits et de légumes = environ 1500 à 2100 mg de potassium
1 kilo de fleurs fraîches = environ 2000 mg à 3600 mg de potassium
Ok ouais… Effectivement, de manière absolue, il y a effectivement plus de potassium dans les fleurs que dans les fruits et légumes. Mais! C’est tu beaucoup, c’est tu pas beaucoup de potassium tout ça ?
Mettons qu’on traduit ça par rapport à nos besoins nutritionnels :
Si on est une femme âgée de 18 ans et plus, nos apports suffisants en potassium sont de 2300 mg/jour. En mangeant 1 kg de fleurs comestibles fraîches par jour, on comble… 100% de nos besoins en potassium de la journée !
Sauf que de manger 1 kg de fleurs par jour, ça fait une pas pire salade de fleurs!*
*Pour se faire une salade de fleurs constituée de 1 kilo de fleurs, ça prend environ 570 fleurs (selon mes calculs approximatifs faits à partir de fleurs comestibles que j’ai acheté au marché et que j’ai pesé. Ça c’est ce qu’on appelle du journaliste de terrain)
Si on traduit les résultats de l’étude dont je vous ai parlé en quantité réellement consommables, donc avec des quantités beaucoup plus modestes, on se rend compte que la contribution des fleurs à nos apports en potassium quotidiens sont un peu moins impressionnants : une douzaine de fleurs dans une salade, et pas 570 fleurs, ça correspond plutôt à 2% de nos besoins en potassium de la journée….tandis que la tasse d’épinards qu’on prendrait pour faire la base de la dite salade contribuent plutôt à 10% pour leur part! Oupsi… on est donc pas sur le bord de laisser les légumes de côté! Mais c’est aussi en se comparant qu’on se console. Si on considère qu’on utilise les fleurs comme assaisonnement, par exemple comme quand on rajoute une poignée de basilic dans notre salade, les teneurs en minéraux sont comparables.
On ne s’attend pas à combler nos besoins en potassium quand on met une couple de feuilles de basilic dans une salade. Donc c’est un peu la même chose avec les fleurs comestibles !
Oui mais… LES POLYPHÉNOLS, LES ANTIOXYDANTS PIS LES (INSÉREZ NOM D’UNE MOLÉCULE COMPLEXE ICITTE)
Ce qui intéresse vraiment les chercheurs et chercheuses ces 5 dernières années au sujet des fleurs, ce sont les composés phytochimiques. Et pourquoi ? Parce qu’un composé phytochimique, c’est un composé bioactif contenu dans les végétaux qui peut apporter des bénéfices sur la santé. Certains d’entre eux seraient reliés à la réduction des risques de maladies chroniques et cardiovasculaires, des cancers, des maladies inflammatoires et même à l’amélioration de certaines fonctions mentales.
Et là, dans les fleurs comestibles, on est gâtés, il y en a des composés phytochimiques, dont les fameux polyphénols !
Mais encore, est-ce que c’est pertinent de savoir qu’il y a beaucoup de composés phénoliques dans les fleurs ?
Pour l’industrie pharmaceutique qui recherche des molécules à extraire et à concentrer pour traiter des maladies, peut-être (j’suis pas pharmacienne, donc je ne me prononcerai pas là-dessus!), mais pour nous, en tant que consommateur, pas vraiment.
Ça va être un peu platte comme réponse, mais on ne mange pas des molécules, on mange des aliments. En ce moment, les études sont faites sur des molécules isolées en laboratoire ou sur des modèles animaux, comme des souris. Plusieurs études mentionnent d’ailleurs qu’on ne sait pas précisément quelles quantités de polyphénols des fleurs survivent à la digestion dans l’intestin quand on les mange et ne peuvent pas expliquer les différentes interactions entre toutes les nombreuses molécules contenues dans une fleur ni même avec le reste des aliments consommés. Donc même si sur papier on peut dire que les fleurs peuvent être des sources de polyphénols et que les polyphénols peuvent avoir des effets positifs sur notre santé, avec l’état des connaissances actuelles, on ne sait pas c’est quoi l’effet réel de la consommation de fleurs sur notre santé.
Ce qu’on sait par contre, c’est que si on mange une grande variété de végétaux, dont des fruits, des légumes et/ou des fleurs comestibles, qui eux contiennent une grande quantité de composés bioactifs différents, ça a des effets bénéfiques sur notre santé.
On est un peu loin d’avoir une recommandation de manger nos 5 à 10 portions de fleurs comestibles par jour, mais ça ne veut pas dire non plus qu’on devrait s’empêcher d’en cultiver et d’en manger !
Une des recommandations qui fait l’unanimité auprès de la communauté scientifique, c’est de manger varié. Pourquoi ? En gros, plus on mange d’aliments différents, plus on a de chance de combler tous nos besoins en nutriments car chaque aliment comporte des molécules différentes. Donc même si les fleurs ne nous apportent relativement pas de grosses quantités de nutriments, elles peuvent quand même contribuer à une diversité alimentaire.
Manger des fleurs pour le fun
Mais au final, je pense quand même que si on s’attarde seulement au contenu nutritionnel des fleurs comestibles, on passe un peu à côté de tous les autres avantages qu’on a à les faire pousser.
Si je reviens à mon basilic de tout à l’heure, quand je le fais pousser dans mon jardin et que j’ai hâte d’aller en chercher pour mettre dans mon assiette, je me dis pas : “ah yes! Une bonne source de polyphénol!” Je pense surtout à la salade que je vais me faire avec, au bon goût que ça va rajouter et au plaisir que j’ai à voir pousser mes plants. Avec les fleurs comestibles, c’est un peu le même principe.
First, ça goûte tu bon ? Ça dépend des fleurs ! Certaines fleurs ont un goût assez subtil, comme la tulipe ou encore les fleurs décoratives que j’ai acheté au marché. Perso, je trouvais que ça avait la texture de la courgette et un goût vaguement floral. Mais d’autres fleurs comme la capucine ont un goût un peu piquant et poivré. Leur usage est assez varié. Il faut surtout le voir comme une manière de découvrir de nouveaux goûts et de nouvelles saveurs. D’ailleurs, même Ricardo propose des manières de les intégrer dans des recettes. Savais-tu qu’on peut manger des fleurs de ciboulette pour épicer nos recettes ou qu’on peut même utiliser les fleurs de lavande pour parfumer des desserts?
Ça te donne envie d’en manger ? Bin va falloir que tu les cultives !
On se le cachera pas, un des gros avantages à cultiver soi-même ses fleurs, c’est vraiment l’accessibilité.
Au Québec, on n’est pas des gros mangeurs de fleurs. Donc, à l’épicerie on ne trouve pas facilement des fleurs et encore moins des fleurs à un prix accessible (allô mon petit casseau de 4 fleurs qui coûtait 3$).
L’avantage de cultiver des fleurs soi-même, c’est que c’est relativement assez simple. Je pense que c’est dans l’ère du temps de vouloir mettre la main à la terre. Et peut-être que de vouloir commencer un jardin, même sur un balcon, ça peut être assez intimidant pour plusieurs. Donc si on commence avec des fleurs comestibles, c’est peut-être plus à portée de main. Si tu n’as pas beaucoup d’espace et que tu as seulement de la place sur ton micro balcon d’appartement, tu peux planter des fleurs comestibles dans de petites jardinières. Les capucines sont relativement facile à cultiver : tu fais tremper les graines la veille dans un verre d’eau et tu les plantes dans la terre le lendemain. Pis jamais t’aimes pas leur goût, au moins c’est beau!
Et si jamais tu te décides à faire pousser des fleurs comestibles cet été, n’hésite pas à m’écrire pour me partager ton expérience !
Pour en savoir plus
Tu aimerais en savoir davantage sur comment faire pousser des fleurs comestibles chez toi, savoir quelle fleur on peut consommer (ne mange pas n’importe quelle fleur que tu vois! Il y en a qui sont toxiques!), voici quelques références pour te lancer :
Apprivoiser les fleurs comestibles : https://ici.radio-canada.ca/mordu/1361/cuisiner-fleurs-comestibles
Comment cuisiner avec des fleurs : https://ici.radio-canada.ca/mordu/5929/fleur-comestible-cuisine
Note : J’ai lu à quelques reprises sur des sites grand public qu’on recommande aux personnes allergiques d’éviter de consommer des fleurs comestibles. Mais en gros, on peut être allergique aux fleurs comme un peu à n’importe quel aliment qu’on mange. Si on est allergique au pollen et qu’on est réticent à consommer des fleurs pour cette raison, il faut savoir que le pollen qui nous cause des allergies saisonnières n’est pas le même car il provient des arbres ou des mauvaises herbes, et non des fleurs. On peut être allergique aux moisissures et quand même manger des champignons sans problème ! Et ce ne sont pas toutes les personnes qui sont atteintes de rhinite allergique qui font des réactions croisées à des végétaux. Ceci étant dit, si jamais ça t’inquiète quand même, t’es pas obligé de te forcer à en manger ou tu peux les introduire graduellement à ton alimentation.
J’aimerais remercier Dr Philippe Bégin, allergologue au CHUM, et Christine Gadonneix, nutritionniste chez Allergies Québec pour m’avoir éclairée sur le sujet.
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